Sérotonine et microbiote intestinal : un esprit sain dans des intestins sains

Des milliards de micro-organismes vivent en symbiose nichés dans nos entrailles. Presque inconnus et silencieux quand tout va bien, ils savent se faire entendre lorsque l’équilibre est rompu. Nos intestins gèrent de nombreux rôles au sein de notre organisme : digestion, énergie, immunité, sommeil… Les connaissances sur ces « microbes » qui vivent avec nous et en nous, croissent de manière exponentielle et de plus en plus d’études mettent en évidence des liens entre le microbiote intestinal et le fonctionnement de notre cerveau, pensées et émotions…

Le Microbiote intestinal… ?

Nous hébergeons tous quelques 100 000 milliards de bactéries : sur la peau, les muqueuses, et surtout les intestins, c’est environ 400 m² de surface « habitée » ! Notre flore intestinale, qu’on appelle désormais « microbiote intestinal », est considérée comme un organe à part entière avoisinant les 2 kg chez l’adulte !

Sans ces microbes partenaires, nous serions incapables d’assimiler les aliments que seules certaines bactéries savent convertir en nutriments et en énergie, ou de synthétiser certaines vitamines indispensables à l’organisme.

Ce n’est pas tout : il est une usine de fabrication de cellules immunitaires et neurotransmetteurs. Bref, le microbiote intestinal assure donc des fonctions essentielles et vitales pour celui qui l’héberge.

En 2010, à partir de l’analyse des microbiotes de 124 européens, le consortium MetaHit établissait que le microbiome – notre « autre » génome – comprenait 3,3 millions de gènes… donc 150 fois plus que le génome humain !

Bien-être et Sérotonine

La sérotonine, souvent surnommée l’hormone du bonheur, joue un rôle crucial dans notre corps, agissant à la fois en qualité de neurotransmetteur et d’hormone. Elle régule de nombreuses fonctions psychologiques essentielles : l’humeur, l’anxiété et la sensation de bien-être, contribuant ainsi à la régulation des émotions. Elle joue également un rôle important dans les fonctions physiologiques telles que régulation du sommeil, de l’appétit, de la digestion, et de la douleur.

Une déficience en sérotonine peut ainsi entraîner diverses problématiques, notamment des troubles de l’humeur, un sommeil compliqué, un déséquilibre alimentaire tels que des troubles compulsifs alimentaires (TCA) ou l’obésité, voire une dépression.

En résumé : un déficit en Sérotonine nous amène à devenir (entre autres) impatients, agressifs, insomniaques, dépendants, accro au sucre ou dépressifs…

Un tableau qui tend à augmenter au vu de la consommation de psychotropes en France : 14,5% en 2005 contre 17,6% en 2010, les plus consommés étant les anxiolytiques, juste devant les hypnotiques et les antidépresseurs (source : Santé Publique France). Sans oublier le reste du monde : l’OMS estime que 280 millions de personnes en consomme, soit 5% de la population mondiale (rapport du 31 mars 2023).

D’ailleurs, un des rôles majeurs d’un anxiolytique est d’inhiber la recapture de la Sérotonine, donc d’empêcher sa destruction par des enzymes spécifiques pour augmenter son taux circulant dans l’organisme.

Et l’insomnie dans tout ça ? La Sérotonine est précurseur de la Mélatonine (l’hormone qui intervient dans le sommeil et les états de veille) : le calcul est donc simple, si vous produisez peu de Sérotonine, vous produirez peu de Mélatonine, vous dormirez donc moins bien.

Et le rapport Microbiote / Sérotonine ?

De plus en plus d’études mettent en évidence des liens de causalité entre le microbiote intestinal et le fonctionnement du cerveau. Il est aujourd’hui prouvé que de nombreuses pathologies sont associées à une dysbiose intestinale (altération de la symbiose hôte/microbiote) caractérisée par une baisse de la diversité microbienne et une inflammation chronique (syndrome de l’intestin irritable).

C’est là qu’entre en jeu le principe du système nerveux entérique : souvent appelé « deuxième cerveau », c’est un réseau complexe de neurones situé dans les parois du tractus gastro-intestinal relié au nerf vague (nerf majeur du système nerveux parasympathique qui s’étend du cerveau jusqu’à l’abdomen).

Cet axe intestins/cerveau agit de manière autonome pour réguler les processus digestifs tels que la motilité intestinale, la sécrétion de fluides et l’interaction avec le système immunitaire du tube digestif. Mais vous l’aurez compris, il est également acteur dans notre approche psycho-émotionnelle du monde environnant : les intestins ressentent (intuition) et le cerveau traduit (raisonnement).

La Sérotonine (parmi d’autres neurotransmetteurs) fait partie de cet axe et est produite à plus de 90% dans les intestins (sécrétée par les cellules entérochromaffines).

Ainsi, lorsque notre microbiote intestinal est sain et régulé, il est beaucoup plus aisé d’appréhender le monde extérieur : c’est la définition même d’« être bien dans sa peau ».

Alimentation saine et habitudes de vie

L’alimentation est probablement un des facteurs qui influence le plus le microbiote : ce que vous mangez, c’est aussi ce que vous donnez à manger à vos bactéries intestinales, et donc par conséquent, ce que vous êtes…

On répète sans cesse qu’il faut manger beaucoup de fibres : on constate aujourd’hui qu’un régime riche en fibres favorise le bien-être intestinal. En effet, n’ayant pas été digérées dans le tractus digestif supérieur, les fibres se retrouvent donc dans le côlon : c’est ce qu’on appelle des fibres prébiotiques. On en retrouve dans les aliments tels que : artichaut, asperge, brocoli, poireau, topinambour, pomme, prune, nectarine, abricot, céréales complètes comme l’avoine, le petit épeautre ou le seigle, pois chiches, haricots secs, lentilles et bien entendu les champignons.

« Les probiotiques sont des micro-organismes vivants qui, ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé, au-delà des effets nutritionnels traditionnels »

Organisation mondiale de la Santé (OMS) et Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)

Sans aller jusqu’à prendre des souches probiotiques (ou à voir avec votre thérapeute), certains aliments en sont remplis : les aliments lacto-fermentés par exemple.

Le tryptophane est un acide aminé essentiel précurseur pour la production de sérotonine, il y en a dans le poulet, tahin, parmesan, œufs, morue, noix, pois cassés, son d’avoine, soja, amande, arachide, cacao…

Les vitamines B3, B6 et B7 (inositol) sont également indispensables dans la production de la sérotonine. On en trouve notamment dans les algues, les céréales complètes, les œufs, les légumineuses, les légumes verts ou encore la gelée royale.

A l’inverse, certains produits utilisés dans l’industrie alimentaire peuvent l’altérer de part leur composition riches en sucres raffinés, additifs et acides gras transformés, dont l’étude de nombre d’entre eux a permis d’indiquer leurs rôles dans les dysbioses…

Sans oublier de nombreux médicaments : les antibiotiques, anti-inflammatoires (AINS) et anti-acides stomacales (IPP) étant en tête des médicaments perturbateurs et modificateurs du microbiote intestinal…

C’est le régime méditerranéen qui semble respecter le mieux ces principes. Il se caractérise par une importante consommation de légumes frais, légumineuses, fruits, oléagineux, céréales complètes, huile d’olive et poisson. Une consommation modérée voire faible de produits laitiers, œufs, volailles, de viande rouge. Ce régime alimentaire prône la consommation de produits alimentaires traditionnels et locaux en respectant la saisonnalité des aliments.

Évidemment, l’alimentation ne fait pas tout… ! Le bien-être physique et mental passe aussi par un quotidien éloigné du stress. Peu aisé, il est vrai… Mais il s’agit de privilégier les moments qui vous font du bien : repas entre amis, temps pour soi, marche dans la nature, passions… Certes plus facile à dire qu’à faire, mais rappelez-vous que vous êtes acteurs de votre propre bien-être, c’est donc à vous de construire votre vie de la meilleure et plus paisible des façons.

Il n’y a pas de secret, plus vous prendrez soin de vous, plus vous serez heureux.

Sachez qu’être heureux et bien dans sa peau c’est aussi un service que vous rendez aux autres : famille, amis, collègues… ils vous remercieront et vous ne ferez que rayonner !


REFERENCES

Natasha Campbell-McBride. Le syndrome entéropsychologique

Inserm. Médicaments psychotropes. Consommations et pharmacodépendances. Paris : Inserm, coll. Expertise collective, 201

Cotillard A, Kennedy SP, Kong LC, et al. Dietary intervention impact on gut microbial gene richness – Nature. 2013

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Tremaroli V, Bäckhed F. Functional interactions between the gut microbiota and host metabolism – Nature

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https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0166223613000088

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0361923022000375?via%3Dihub

Coudron O. Rôle de la nutrition et de la micronutrition dans la lutte contre les troubles de l’humeur – Actual Pharm.